Le Polder

 

Le polder m'allait comme un gant, j’y étais chez moi, à l'aise. Au petit matin j'étais excitée à l'idée de partir à l'école, tous ensemble, à la queue-leu-leu, en vélo.
L’après-midi, contente et rassurée de rentrer, on avait plus de temps. 
Dans le polder il n 'y a pas beaucoup à voir, mais on y percevait l'existence, l'activité
des gens et des animaux.
 

Les pâturages semblaient souvent vides. Les canaux dessinaient des rubans luisants et argentés rompant la monotonie des champs en montrant le ciel
en projection. Les fermes sont toutes construites au pied de la digue et entourées de grands arbres. Par contre, le polder lui, est nu jusqu'à l'horizon.
 

Le paysage est mystérieux et le fleuve dangereux, ma soeur aînée s’y est noyée quand j'avais six ans. Dans l'eau sombre et obscure poussaient des plantes
visqueuses effleurant qui y nageait, et l'horreur des rats qui nous suivaient dans nos sillages! 
A l'école, on avait appris que les polders se trouvent bien
au-dessous du niveau de la mer. A l’automne j'étais effrayée par l’eau quand elle dépassait presque la digue. 
Dans le bas du talus bordant la digue, on se mettait en embuscade pour terrifier les passants. Cela ne nous empêchait pas d'être paniqués nous-mêmes 
par les vipères et autre bestioles qui se cachaient parfois  dans les mêmes broussailles que nous. 

Au début du printemps, on trouvait ici et là, cloués sur un arbre, des petits panneaux encadrés sous verre contenant les instructions officielles pour le nettoyage
des canaux. 
Je le ressentais comme une ingérence du monde extérieur dans notre territoire à nous.